Atlas des Thébaïdes en ligne
CIHAM, avec le soutien de la Fondation pour le développement des recherches
en Histoire religieuse du Moyen Âge (Paris, Institut de France, AIBL)
Sous le nom de Thébaïde, il est d’usage de désigner aujourd’hui des peintures figurant les « Histoires des saints Pères », selon l’expression utilisée au Moyen Âge, sous la forme d’une représentation juxtaposée de petites scènes de la vie des Pères du désert en Egypte, dans un paysage idéalisé.
Alessandra Malquori a revu et corrigé les attributions et datations de plusieurs d’entre elles, en particulier des trois réalisées à partir du deuxième quart du XVe siècle. Ces dernières marquent les débuts d’un genre nouveau et singulier, dont le succès est patent au XVe siècle – les Médicis, par exemple, possédaient une de ces peintures dans leur résidence en ville et une autre à la campagne.
La recherche d’Alessandra Malquori s’est attachée, pour chacune de ces œuvres, à reconstruire et caractériser, autant que possible, leur contexte culturel, leur provenance et leurs commanditaires. Ces mêmes images qui, jusqu’alors, étaient dépourvues de références précises, d’attribution et de datation, ont laissé entrevoir un réseau de relations dont l’exploration s’avère très prometteuse. Il en résulte de nouvelles perspectives d’analyse de contenu, qui visent à inscrire le langage figuratif développé dans ces peintures dans un système de références lié à une tradition séculaire, bien attestée dans la littérature chrétienne. La méthode développée permet de mettre en relation images et textes par l’entremise d’images intermédiaires et par le biais d’autres textes, avec des effets de variante, de contamination, de citation, ou encore de renvoi. Les éléments explicitement et communément partagés au sein de cette culture trouvent dans les images des vecteurs de transmission spécifiques.
Une enquête dans les deux registres (du visuel et du textuel) conduit à explorer les mécanismes d’une communication s’adressant aux sens (la vue et l’ouïe) et à la mémoire et, à partir de là, s’attache à mieux comprendre dans leur multiplicité féconde les interprétations successives du message religieux et leur réception.
Le projet Atlas des Thébaïdes en ligne se propose de mettre en place une base des connaissances qui donnera accès aux thèmes figuratifs présents dans les représentations d’ermites des Thébaïdes toscanes, en lien avec d’autres documents (les manuscrits et leur décor, la Bible et ses commentaires, des textes moraux et spirituels). Il s’agit de fournir une carte virtuelle des relations entre productions peintes et productions écrites, issues de milieux culturels divers, reprises et réélaborées (analogies, citations, récupérations, variations, etc.). Restituer cette topographie complexe implique de rassembler et d’ordonner les éléments du corpus de données, et de mener en premier lieu une enquête érudite sur les traditions textuelles, en tant que nourriture de la mémoire.
La base de connaissances a pour objectif de donner à voir ce qui est aujourd’hui ignoré ou négligé, parce qu’éloigné de nos schèmes de pensée et de notre sensibilité. Le projet pour l’année 2015-2016 consiste à concevoir et à tester un prototype de cette base de connaissances en ligne. Il a précisément débuté par la mise en forme d’un corpus de données semi structurées (avec traitement en XML-TEI), à partir de deux études de cas dont les caractéristiques tant dans le domaine iconographique que textuel ouvrent des perspectives méthodologiques et ecdotiques complémentaires : l’homme avec de l’eau, et l’ermite sur (ou dans) un arbre. La collection des matériaux relatifs à ces deux exemples implique, en raison de la complexité de son traitement, des recherches adéquates (manuscrits ; enluminures, bibliographie). Il faut également structurer les matériaux, sélectionner les standards efficaces, prévoir des applications spécifiques afin de lier reproductions et données textuelles.
Le test de ce prototype, s’il s’avère prometteur, conduira l’équipe de travail à envisager une prolongation du projet afin de poursuivre l’alimentation de la base de connaissances en données et d’apporter les améliorations techniques, autant que de besoin.
Membres de l’équipe : Alessandra Malquori (chercheur au CIHAM), Nicole Bériou (professeur émérite à Lyon 2), Cécile Caby (professeur à Lyon 2), Véronique Rouchon Mouilleron (maître de conférences à Lyon 2), et Marjorie Burghart (chargée de recherche CNRS au CIHAM).